En l'an 2000 on estimait 23% de la population mondiale comme étant myope, on estime qu'elle passera à 50% en 2050. Nous vous proposons dans cet article quelques études sur ce sujet important pour la santé visuelle des générations à venir.
Première étude : une étude épidémiologique
Une étude[1] épidémiologique sur la progression de la myopie chez les enfants a été lancée à grande échelle dans toute la France de 2013 à 2019 par le Professeur Nicolas Leveziel (CHU de Poitiers) en partenariat avec les opticiens Krys.
Echantillon de l’étude : 4,7 millions de personnes, 613 000 enfants, dont 136 333 myopes.
Données de l’étude : amétropie < -0,5 D ; âge moyen 11 ans ; erreur de réfraction moyenne -2 D
L’objet de cette étude épidémiologique est de mieux appréhender l’incidence et la prévalence de la myopie par tranche d’âge, afin d’améliorer l’efficacité des actions de prévention et de soin.
Quels sont les résultats et enseignements de cette étude ?
Dans un premier temps, il en résulte que les filles sont plus sujettes à devenir myopes.
Dans un second temps, on constate effectivement que la myopie évolue surtout chez les enfants entre 7 et 12 ans chez qui on relève 30% de progression myopique.
Selon le Professeur Leveziel : « Premier résultat global : sur la cohorte d’enfants, nous avons enregistré 25% de « progresseurs », c’est-à-dire pour lesquels la myopie s’accroît de plus de -0,50 D par an ». Mais ce pourcentage diffère selon l’âge :
20,6% de 4 à 6 ans
33,1% de 7 à 9 ans
29,4% de 10 à12 ans
22,3% de 13 à 15 ans
14,9% de16 à 17 ans
« La moyenne de progression est plus forte entre 7 et 9 ans chez les enfants les plus myopes. On a pu mesurer également la proportion d’enfants qui vont développer une myopie forte dans les 5 ans : ceux entre -3 et -4D ont 16% de risques d’avoir une myopie forte, entre -4 et -6D, ils s’élèvent à 58% ».
« Difficile de communiquer à partir de notre étude sur une prévalence par tranche d’âge, compte tenu de certains biais. Mais, avec 24% de myopes parmi les enfants de notre panel, nous devons être cependant proches de la réalité. L’important est surtout que nous pouvons désormais « cibler » la tranche d’âge à laquelle il est impératif d’agir : à partir de 7 ans pour les enfants dont la myopie est supérieure à -3D. »
Deuxième étude : l'impact des écrans
C'est la Professeure Dominique Bremond-Gignac, chef de service de l'Hôpital Universitaire Necker de Paris, qui a présenté son étude[2] lors de la JRO (Journée de Réflexions Ophtalmologiques) en Mars 2023.
L'objet de cette étude est de mesurer les déséquilibre oculomoteurs et la toxicité de la lumière bleue. En effet, depuis quelques années déjà, il y a des alarmes quant à l'utilisation et la surexposition face aux écrans des enfants.
Un chiffre choc : le temps moyen passé devant un écran pour un enfant âgé de 8 à 10 ans s'élèverait à 3,8 heures par jour.
Une évolution de plus de 50% du temps passé sur écrans en 10 ans seulement.
Entre les écrans à l'école et les écrans à la maison, cela ne laisse pas beaucoup de temps de repos pour les yeux. Or, nous savons à ce jour que le temps en repos oculaire est primordiale notamment chez les plus jeunes, sans celui-ci, la myopie s'installe.
Cette étude met également en garde contre les systèmes 3D chez les plus jeunes. En effet, selon l'Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail (Anses), la 3D découplerait l'accommodation (c'est à dire le travail fourni normalement de manière équilibrée par le couple oculaire) et engendrerait des problèmes binoculaires de convergence. L'agence met en garde et déconseille la 3D pour les enfants de moins de 6 ans.
Enfin, le troisième et dernier thème de cette étude est la lumière Bleue. En effet, une étude sur les toxicités face aux écrans ne peut passer à côté de l'exposition face à la lumière bleue. Nous savons que l'œil continu de se développer temps que l'enfant grandit. Le cristallin (lentille transparente de l'œil permettant par son élasticité d'avoir une vision nette) est le filtre des rayons nocifs pour le fond d'œil, néanmoins, il faudra attendre 8 ans pour que le cristallin devienne efficace dans la filtration. Cela signifie qu'avant les 8 ans, l'œil reçoit tous les rayons du spectre du soleil, c'est-à-dire les UV y compris les lumières bleues. On ne le répètera jamais assez qu'il est primordial pour les plus jeunes enfants (mais aussi pour les adultes) de se protéger du soleil, surtout des UV.
La Professeure Bremond-Gignac est néanmoins contre l'antireflet lumière bleue pour les enfants. Elle s'explique : « Il y a une étude sur la lumière violette comme solution pour empêcher l’évolution de la myopie. Mais comment faire pour couper le bleu tout en gardant le violet ? Aujourd’hui c’est complexe. Pour ma part je ne préconise pas les verres anti-bleu pour les enfants. D’une part, lorsque vous filtrez le bleu, vous filtrez tout ce qui va derrière. D’autre part, les verres ne sont pas coupés de la même façon selon les verriers. »
Quels sont les résultats et enseignements de cette étude ?
La conclusion de cette étude est sans appel : l'écran est véridiquement un facteur de déclenchement myopique et la lumière qui en est issue est bel et bien toxique pour la santé oculaire de nos enfants. La Professeure d'Ophtalmologie conseille :
Laisser les enfants jouer au moins 2 heures par jour dehors
Ne pas exposer les enfants face à des sources de lumières directes
Une alimentation riche en antioxydants
Il est à noter que le sujet de la surexposition des enfants face aux écrans est un fléau de l'ordre de santé publique. De ce fait, une proposition de loi[3] a été déposée en début d'année 2023, les députés s'accordent sur la même conclusion : « les effets néfastes de la consommation excessive d’écrans chez les jeunes enfants sont : troubles cognitifs, perturbation du sommeil, relations sociales dégradées, risques de surpoids, retard dans l’apprentissage du langage et troubles de la vision ». On retrouve ainsi cinq grandes lignes dans cette proposition de loi :
L’article 1er prévoit la mise en place d’une politique publique de prévention des risques liés aux écrans numériques pour la jeunesse, via l’insertion d’un chapitre dédié dans le code de la santé publique, aux côtés de la lutte contre les dépendances telles que le tabagisme ou l’alcoolisme.
L’article 2 prévoit d’insérer des recommandations touchant à la bonne utilisation des écrans pour le jeune public dans le carnet de grossesse, document bénéficiant d’une large diffusion auprès des jeunes parents.
L’article 3 intègrera la politique de prévention des risques liés aux écrans au nombre des missions dévolues au président du Conseil départemental dans son rôle de protection maternelle et infantile.
L’article 4 accordera un rôle central aux commissions départementales d’accueil des jeunes enfants, afin de recueillir et de diffuser les messages de prévention des risques liés à la surexposition aux écrans, à destination des professionnels de la petite enfance mais aussi des parents.
L’article 5 accordera au projet éducatif territorial un rôle explicite dans la prévention de la surexposition des élèves aux écrans lors du temps périscolaire.
Un sixième article impliquera un gage financier
Troisième étude : le sujet de la nutrition sur la table
Une étude[4] est en cours sur le sujet de la nutrition des enfants face au développement de la myopie. Alors que nous savons déjà que l'environnement et la génétique influencent l'apparition de myopie chez les enfants, aujourd'hui c'est leur régime alimentaire qui intéresse les scientifiques.
Plusieurs études ont déjà montré qu'un taux de glycémie élevé engendre une hypermétropisation du défaut visuel. L'hyperglycémie bloque l'accommodation du cristallin et créée donc une hypermétropie. Mais ici, la nouvelle étude actuelle se penche sur l'effet de l'hyperinsulinémie sur la croissance sclérale, rappelons qu'un œil trop long se définit par une myopie axile.
Pour l'heure, cette étude n'a pas encore été testée sur l'Homme mais elle analyse les régimes alimentaires notamment de la population asiatique qui détient le plus de myopes au monde avec un régime alimentaire particulièrement riche en glycémie (le riz blanc). En résumé l'étude nous montre que les régions mondiales où les populations ont un régime richement glycémique et un taux élevé de diabète sont :
Pacifique Nord Oriental : Asie de l'Est : il est néanmoins connu que les asiatiques ont une résistance accrue face à l'insuline. Cette résistance à l'insuline accroîtrait le développement de l'œil surtout chez les enfants en croissance et engendrerait une myopie axile.
Pacifique Nord Occidental : Etats-Unis d'Amérique de l'Ouest : cette population est particulièrement sujette au diabète mais n'ayant pas le même facteur génétique qu'en Asie face à la résistance à l'insuline, c'est donc une hyperglycémie qui se manifesterait et non une hyperinsulinémie.
Quels sont les résultats et enseignements de ces études ?
Il reste à cette étude de faire ses preuves en continuant et approfondissant leurs recherches sur le genre Humain. Néanmoins, il est indéniable que l'Homme et encore plus les enfants doivent avoir une alimentation riche et variée mais surtout saine.
Quatrième étude : l'importance du sommeil
Depuis 2008, les chercheurs se penchent sur la qualité du sommeil et son impact sur la myopie. Il semblerait qu'un sommeil trop court, de mauvaise qualité, perturbé, un couché trop tard, ou encore un retard du cycle circadien favoriserait l'apparition d'une myopie. De nombreuses études[5][6] se sont intéressées sur ce sujet.
Entre 2008 et 2012 la Corée à regroupé 3625 sujets âgés de 12 à 19ans pour étudier[5] la relation entre la durée du sommeil et la myopie. Les résultats indiquaient une durée globale de 7.1H de sommeil par jour.
Chaque heure non dormie engendrait 0.10 dioptrie de myopie supplémentaire. La différence de myopie est très faible pour les sujets dormant plus de 9H par jour.
Tandis que la différence du résultat réfractif était plus myope chez les sujets dormant moins de 5H par jour.
Néanmoins, chez les sujets très forts myopes, la valeur de la myopie n'était pas associée à la durée du sommeil et ne fluctuait pas.
A contrario de l'étude ci-dessus, en 2016, au Japon, une étude[6] regroupant 486 patients de 10 à 59 ans, a analyser l'impact de la myopie sur le sommeil. La conclusion est sans appel :
Plus la personne est myope, moins elle dort ou alors a un sommeil de mauvaise qualité.
Enfin, une étude[7] Britannique de l'Université d'Ulster de 2017 a examiné pendant 18 mois des sujets âgés de 12 à 19 ans. Leur recherche avait pour but d'établir un lien entre la mélatonine et l'évolution de la myopie en mesurant le taux de mélatonine à chaque réveil.
Cette dernière, rejoint l'étude de 2016 du Japon en soulignant qu'un sujet myope a un taux plus élevé de mélatonine dans le sang qu'une personne non myope. Plus il y a de mélatonine dans le sang plus cela corrobore le fait que la personne n'a pas assez dormi ou a eu un sommeil de mauvaise qualité.
Quels sont les résultats et enseignements de ces études ?
Le sommeil est capital pour les petits comme pour les grands. Ces études nous montrent que le sommeil joue un rôle de cercle vicieux entre la myopie qui induit un sommeil moins qualitatif ou plus court et inversement et inversement, un sommeil moins qualitatif ou plus court qui induit une réfraction plus myope.
Conclusion : Comment participer à l'effort de prévention ?
Grâce à ces études, nous apprenons que « nos façon de vivre actuelles sont propices à la myopie ». Il est donc primordial que les enfants d'aujourd'hui relâchent les écrans, et soient surveillés régulièrement par des ophtalmologistes afin de dépister toute forme de myopie naissante. Il est indéniable que pour une bonne croissance, il faut un environnement sain, une alimentation riche et variée et une activité physique et sportive et un sommeil réparateur et de bonne qualité. Lors de la poussée de croissance, l'enfant devra être suivi par le pédiatre mais aussi par l'ophtalmologiste, car c'est lors de poussées de croissances qu'un défaut visuel peut s'installer.
De plus, il est important que la myopie naissante soit prise en charge le plus tôt possible. Des verres freinateurs de myopie font leur preuves quant à la stabilisation voire la régression de la myopie lorsque celle-ci est prise en charge très tôt dans l'enfance. Ces nouveaux verres ont prouvé leur efficacité, une dernière étude[8] par un verrier à été mis à jour après 6 ans de recherches sur 183 enfants, les résultats parlent d'eux mêmes :
8 enfants sur 10 ont un défaut visuel qui s'est stabilisé
9 enfant sur 10 ont une longueur axiale de l'œil égale à celle d'un emmétrope
A noter que ces verres ont été reconnus d'utilité publique par la Haute Autorité de Santé le 29 Mars 2022.
Bibliographie
1. Pr. Leveziel Nicolas, Résultats de la première étude française sur la progression de la myopie chez les enfants, 26 Avril 2021, Acuité
2. Pr. Bremond-Gignac Dominique, Stratégies Thérapeutiques, 11 Mars 2023, 23èmes JRO Journées Réflexions Ophtalmologiques
3. Proposition de loi n°757 relative à la prévention de l'exposition excessive des enfants aux écrans, 19 Janvier 2023 Assemblé Nationale
4. Myopie chez l’enfant : le sujet de la nutrition sur la table, 07 Juin 2023, Acuité
5. Fondation Acta Ophthalmologica Scandinavica. Publié par John Wiley & Sons Ltd. 2015
6. Ayaki, M. et al. Diminution de la qualité du sommeil chez les enfants fortement myopes. Sci. Rep. 6, 33902; doi : 10.1038/srep33902 (2016).
7. Myopie et qualité du sommeil : une étude établit le lien pour la 1re fois, 08 Septembre 2017
8. Carly SiuYin Lam, Wing ChunTang, HanYu Zhang, Paul H. Lee, DennisYanYinTse, Hua Qi, NataliaVlasak & Chi HoTo, Long‑term myopia control efect and safety in children wearing DIMS spectacle lenses for 6 years, 04 April 2023 Scientific Reports
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