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Ciné-club Coffignon - Edward Scissorhands




FICHE TECHNIQUE

​Titre original

Edward Scissordhands

Année

1990

Genre

Fantastique

​Nationalité

Américaine

​Durée

1h45

​Réalisateur

Tim Burton

​Scénariste

Caroline Thompson (d'après l'histoire de Tim Burton et Caroline Thompson)

​Interprètes

Johnny Depp, Winona Ryder, Dianne Wiest


INTRODUCTION


Depuis 1999, Edward aux mains d’argent fait rêver ses spectateurs par sa mise en scène magique et intemporelle sublimée par son image, son récit et sa musique. Sous la forme d’un conte de Noël, Tim Burton nous présente une œuvre humaniste dans laquelle il aborde et dénonce plusieurs thèmes sociétaux comme il le fait par habitude et comme on peut le voir dans nombre de ses œuvres. Mélangeant cette beauté du spectacle et de l’art en son sens le plus pur avec cet aspect moralisateur et messager, Tim Burton s’affirme dans Edward aux mains d’argent non seulement comme grand réalisateur de génie du septième art mais aussi comme artiste dont l’imagination a le pouvoir de transporter un public de tous les âges, de toutes les générations.


SYNOPSIS


Edward n'est pas un garçon ordinaire. Création d'un inventeur, il a reçu un cœur pour aimer un cerveau pour comprendre mais son concepteur est mort avant d'avoir pu terminer son œuvre et Edward se retrouve avec des lames de métal et des instruments tranchants en guise de doigts et sans une éducation et culture assez complète. Il vit alors isolé dans l’obscurité jusqu’au jour où Peg Boggs, vendeuse de cosmétiques à domicile, se présente à sa porte et l’emmène pour lui faire découvrir les joies d’un foyer familial. Edward descend alors de la colline et découvre la vie d’une banlieue résidentielle, il rencontre surtout l’Humain et tout ce qui l’accompagne.


LA MAGIE DE LA MISE EN SCÈNE


Edward aux mains d’argent prend la forme et les codes d’un conte fantastique universel, comprenant la magie, le mélange du réel et de l’imaginaire, une ambiance plutôt sombre et la cruauté des plus grands. Tim Burton se fait conteur mais profite du format phare de son temps en utilisant le cinéma plutôt que l’écriture pour raconter son histoire. Le film a un côté très raffiné laissant voir la poésie du récit et les décors fabuleux de la mise en scène. Dès le générique, des chœurs lointains et une image hivernale sur un fond musical berçant installent l’ambiance féerique du conte de Noël, cette magie ne quittera pas le film. Edward aux mains d’argent s’accompagne d’une musique écrite par Danny Elfman qui s’accorde et complète bien l’ambiance magique et de rêve qui règne tout au long du récit.


Sur ce fond mystique, Tim Burton illustre tout au long du film le décalage de son récit. Il construit un univers aux décors inscrivant le récit dans un hors temps à la fois référencé et fictionnel laissant voir une modernité étrange presque irréelle. Ces décors impressionnent, comme ce grand manoir inquiétant du haut de la colline. Cette immense demeure donne une idée de l’ampleur de la solitude qui habite le héros, en comparaison avec la banlieue américaine des années 1960 construite en bas de la colline, tellement organisée qu’elle en devient effrayante. Le contraste des décors structure la dualité du récit. Cette dualité visuelle s’observe enfin dans la différence entre les tons pastel, clairs de la banlieue, de ses habitants, et l’apparence d’Edward et de son manoir, intégralement noirs.


Ce décalage sert évidemment à montrer tout au long du film à quel point Edward diffère du reste des habitants du village, tant pas son apparence, que par sa façon de parler, d’agir ou d’être, lui qui a vécu isolé toute sa vie et qui ainsi découvre la vie en communauté. Le film laisse donc place à de nombreuses scènes en tous genres, mélangeant humour, sérieux, drame et féerie. Un exemple de décalage serait la juxtaposition entre deux scènes, l’une magique et magnifique, suivie juste après d’une autre plus violente et dramatique. En premier lieu, on assiste certainement à la scène la plus féérique du film, celle de la danse de Winona Ryder sous la neige alors qu’Edward sculpte la glace, cette scène combine grâce et magie, avec une musique provoquant une émotion rare. Cette scène est suivie de près par Edward découvrant de plus en plus la cruauté humaine, que l’on ne veut pas de lui, et qui devient alors volent, déchirant sa chemise, détruisant les haies de ses voisins, les pneus des voitures etc., sur un rythme musical plus intense laissant ressentir toute sa haine de soi et sa tristesse, et entendre qu’Edward perd de sa candeur à force de côtoyer les habitants de la banlieue. Ce décalage dévoile un talent de la mise en scène pour faire ressentir plusieurs émotions différentes à peu de temps d’intervalle, mais aussi dévoile une cette intensité émotionnelle servie par une distribution excellente.


Edward aux mains d'argent marque la première étape d'une grande complicité à l'écran entre ces deux monuments du cinéma que sont Tim Burton et Johnny Depp. Ce dernier nous offre une performance particulièrement émouvante dans son rôle, il parvient seulement par son attitude à nous transmettre tout le mal-être dans lequel se trouve Edward, sans avoir à trop en dire. Son interprétation et sa persuasion sont d’une justesse, confirmant l’étendue de son talent. Par son regard pur, il a su convaincre l’intégralité de son audience et donner vie à ce personnage d’Edward, mythique aujourd’hui.


Winona Ryder interprète la jeune innocente qui se désolidarise de l’emprise de son petit ami et du reste de son entourage pour porter son regard sur Edward. Deuxième film qu’elle joue avec Tim Burton, après Beetlejuice (1988), Elle sait montrer sa grâce et sa beauté mais aussi sa forte personnalité à l’écran. Rôle certes secondaire mais qui gagne de l’importance, elle sait convaincre par son jeu et charmera à jamais le public lors de sa danse sous la neige.


La complicité entre Johnny Depp et Winona Ryder est particulièrement remarquable à l’écran due au fait que les deux acteurs étaient en couple au moment du tournage.


C’est par Dianne Weist qu’Edward sortira de son isolation. L’actrice est particulièrement touchante dans le film comme le premier rejeton que l’on voit à l’écran. En effet, vendeuse de cosmétiques à domicile, on la voit dès le début se faire claquer toutes les portes aux nez, c’est pour cela qu’elle sera la première à voir Edward et à l’accueillir à bras ouverts chez elle. Dianne Weist est très convaincante en mère adoptive qui fera tout pour les plus vulnérables, à les défendre coûte que coûte, sa performance est d’une grande justesse.



UN CONTE HUMANISTE


Edward aux mains d’argent suit les codes d’un conte moderne et fantastique jusqu’à ce que l’on se rende compte que le récit se déroule dans ce qui se rapproche bien trop de la réalité d’une banlieue des États-Unis. Sous les traits d’un conte d’hiver, Tim Burton fait en réalité le procès d’une société américaine de la classe moyenne, le personnage d’Edward porte sa plaidoirie, incarnant le solitaire inadapté aux normes de « l’American Way of Life ».En racontant l’histoire d’Edward, Tim Burton décrit et dénonce les maux d’une société moderne enfermée dans sa bien-pensance et son rejet de ce qui change.


Edward est une sorte de créature de Frankenstein, ayant pour mains de nombreuses paires de lames et autres ciseaux. Il est une machine qui avait presque tout pour avoir l’apparence d’un humain avec même un cerveau et un cœur mais son inventeur est mort avant d’avoir pu le terminer. Il a cependant été élevé le plus humainement possible ainsi il possède une morale et une gentillesse absolue, mais une culture obsolète, son créateur agissait également comme son instituteur et comme un père, lui apprenant tout ce qu’il y avait à savoir du monde humain mais il n’a pas pu terminer son chef d’œuvre. Edward est un héros romantique à l’innocence candide fasciné par ce monde aseptisé ou chaque personnage est un archétype. Par ses mains, il développe une créativité faisant de lui un être créé, créateur solitaire, isolé depuis la mort de son inventeur.


A la sortie de son isolement, le marginal rencontre la société normée et fait face au regard d’autrui dans ce village habité par une classe moyenne américaine stéréotypé et puritaine. Il fait surtout face à une unité de regard si prononcée qu'elle en devient effrayante : la curiosité commune face à l'inconnu fraîchement débarqué, la recherche du moyen d'en tirer profit, et ce regard qui se transformera en celui du rejet et de la haine. En découvrant la créativité d’Edward, on lui confie un emploi qui va passer de l'inerte (découper les haies) au vivant, toiletteur de chiens, jusqu’aux femmes en tant que coiffeur que Tim Burton semble par ailleurs les faire étrangement se ressembler. L'ouverture à la différence ne se fait donc pas pour la communauté par un dialogue avec Edward mais par son exploitation pour modifier le seul domaine qui compte : l'apparence, première critique de la société américaine, sa superficialité.


Mais la première curiosité passée, le refus de cette différence commence à se ressentir, Edward se fait rejeter peu à peu, laissant place à la peur de l’inconnu. Edward qui était accueilli de tous se retrouve incompris du fait de sa perception du monde, sans rapport avec la norme. Sa candeur et crédulité fera sa vulnérabilité, il sera moqué et humilié, manipulé et utilisé jusqu’à se faire arrêter, innocent. Tout au long du film on assiste à la tolérance qui échoue et à la haine qui triomphe pour le malheur de tous. Edward va donc traverser un monde cruel et désespérant, révéler aux humains leur capacité à aimer et à rêver, donner au monde la neige et les rêves qui lui manquait, puis retourner à sa solitude éternelle, dans la désillusion et la perte de cette candeur qui faisait sa pureté.


Par l’intermédiaire d’Edward aux mains d’argent, Tim Burton, s’en prend à la bien-pensance, au peuple perdu dans ses routines, replié sur lui-même, rêvant de changement mais restant banal lorsque la mode passe Il dénonce la société qui refuse la différence et qui rend vulnérable celui qui n’entre pas dans la norme jusqu’à le rejeter pour maintenir un équilibre illusoire. La société en tant que groupe est également dénoncée, cet effet de groupe et l’influençabilité à l’intérieur de ce même groupe est vue par Tim Burton comme un poison, c’est ainsi qu’il représente ce village obsédé par les commérages et les on-dit, où chacun croit chaque rumeur qui court et où l’hypocrisie règne, Tim Burton amplifie l’effet de groupe et la solitude d’Edward pour mettre en valeur le rejet de la marginalité.


L'UNIVERS INSOLITE ET LE GÉNIE DE TIM BURTON


Après avoir travaillé avec Disney, Tim Burton s’en est détaché pour créer son propre univers très identifiable, au style fantastique impliquant une grande part de rêve mais aussi un côté très sombre et poétique dans chaque œuvre. La plupart de ses films mêlent l’innocence du conte pour enfant brisée par la réalité qu’il dénonce, engendrant des œuvres sublimées et pleines de messages cachées qui touchent des audiences élargies.


Edward aux mains d’argent est un film très personnel pour Tim Burton. L’idée lui serait venue d’un dessin qu’il aurait réalisé durant son adolescence, dessin d’un homme avec des ciseaux à la place des mains, reflétant son sentiment d’isolement et de difficulté à communiquer avec les autres. C’est à partir de ce dessin qu’il va créer l’histoire d’Edward. Tim Burton s’est même fortement inspiré de la banlieue de Burbank où il a grandi, il met donc dans Edward beaucoup de sa propre personne faisant de ce film une œuvre réalisée pour lui. C’est avec l’aide de Caroline Thompson, écrivain pour enfants, qu’ils ont écrit un scénario à partir des idées de Tim Burton. Le résultat final donne un film qui sublime les angoisses et rancœurs de l’artiste, Tim Burton fait de son œuvre un exutoire psychanalytique d’une profondeur touchante, plus triste et cynique, dissimulée derrière la magie et la grâce de l’œuvre. Un film qui touche par sa beauté surréaliste et par l’intelligence d’un propos maîtrisé dans ce qu’il tient à transmettre.


A travers ses œuvres, Tim Burton nous dévoile sa propre vision du monde, une vision sombre, gothique, cynique. Pour lui, le monde est bloqué dans ses principes, triste, où si la différence d’une personne est envisageable, elle l’est au moyen d’une solitude infinie, la plupart de ses films relayent cette marginalité en opposition au monde qui la rejette. On peut le voir par exemple avec sa représentation des personnages de Willy Wonka (Charlie et la chocolaterie, 2005), du Chapelier Fou (Alice au pays des merveilles, 2010), on retrouve assez régulièrement des personnages très travaillés, mystiques, sombres, inadaptés au reste de la société dans laquelle ils se trouvent et donc souvent reclus. Cependant, le réalisateur parvient à transformer ses rêves et sa poésie en images universelles capables d’apporter des émotions fortes et positives aux spectateurs par la force du cinéma, malgré sa vision sombre de la société. Par ses œuvres qui donnent à l’audience le rêve et la magie, il parvient à produire avec une grande sensibilité et passion du cinéma quasi irréel qui peut provoquer des sensations très fortes. Sa tendance du conte de fée gothique donne un genre nouveau de poésie naïve, tourmentée et mélancolique, plein d’espoir contrarié.


Tim Burton est devenu un grand réalisateur de son époque, conteur pour enfants, philosophe, magicien, il possède tant de cordes à son arc qui font de sa filmographie un trésor du septième art à voir et revoir sans modération, qui sauront toucher toutes les générations.



SCÈNE MYTHIQUE





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